Avec
le décès de l’écrivain Alaa Al-Dib, l'Egypte a perdu un humaniste hors pair et
l'un des derniers représentants de la génération des années 1960. Trois de ses
disciples apportent ici leur témoignage.
Dina
kabil
Né en 1939, Alaa Al-Dib a vécu dans le
quartier de Maadi jusqu’à sa mort. Etudiant, il est influencé par les idées
marxistes et existentielles. Il travaille à la revue pionnière Sabah Al-Kheir,
et publie son premier recueil de nouvelles, en 1964, Al-Qahéra (Le Caire), et
entre autres recueils Al-Moussafer Al-Abadi (le voyageur éternel) en 1999. Puis
il s’oriente vers l’écriture du roman à partir de 1987 avec son chef-d’oeuvre
Zahr Al-Laymoune (fleur de citron). Il reçoit le prix du meilleur livre de
l’année 1999 pour Oyoun Al-Banafseg (regards de violettes). Après la défaite de
1967, il arrête ses reportages à l’hebdomadaire Sabah Al-Kheir pour écrire sa
rubrique Assir Al-Kotob (jus de livres). Et depuis, il n’a jamais arrêté
d’adopter les jeunes talents et de les présenter au grand public. Il meurt à
l’hôpital militaire de Maadi après une longue maladie. Voici le témoignage de
trois de ses disciples
Sayed Mahmoud, poète « Alaa Al-Dib était
le chroniqueur de la classe moyenne »
On peut considérer l’écrivain Alaa Al-Dib
comme l’auteur de la classe moyenne par excellence. Déjà son chef-d’oeuvre Zahr
Al-Laymoune (fleur de citron) en 1987 a permis aux lecteurs de découvrir les
contradictions de la classe moyenne. Puis à travers sa trilogie Atfal Béla
Domoue (des enfants sans larmes), Qamar Ala Mostanqae (lune au bord du
marécage) et Ayyam Wardiya (beaux jours) entre 1989 et 2000, il décrit ses
rêves et ses angoisses qui transparaissent dans ses personnages, symbolisant la
frustration vécue par toute une génération après la défaite de 1967.
Cette défaite a transformé Al-Dib en « un
mort-vivant » selon sa propre expression. Dans les années qui suivent, il
deviendra un « vieillard sans sagesse, qui a vu naître la fissure toute petite,
puis grandir sans jamais trouver de réparation ou de remède, puisque formée au
fond de son âme ». Il témoigne de la transformation de la Révolution de 1952 «
en un régime militaire » et l’intellectuel de gauche en un fonctionnaire
bureaucratique. Dans son autobiographie Waqfa Qabl Al-Monhadar (arrêt avant la
pente), on se rend compte de la profondeur du sentiment de la perte, mais
surtout du prix payé par sa génération et de ses espoirs de changement qui ne
se sont jamais réalisés.
Alaa Khaled, poète et romancier « Il s’est
toujours senti en harmonie avec le lieu »
Au cours d’une interview avec Monsieur
Alaa Al-Dib, il m’a expliqué ses errances dans Le Caire des années 1950. Son
Caire adoré. Sur la route vers l’université, il s’est toujours senti en harmonie
avec le lieu. Je ressentais, en l’écoutant, que l’univers entier était soumis à
son rythme intérieur. Malgré tout le tumulte du Caire des années 1950, il n’a
jamais perdu cette sensation d’harmonie. Mais lui, comme les héros de ses
romans, vont perdre cette sensation avec le lieu dans les années 1960. Je le
voyais souvent à Alexandrie, dans sa chambre donnant sur la mer, là il me
parlait de Marsa Matrouh, cet endroit situé assez loin de son Caire. Alexandrie
et Matrouh sont dès lors devenus son nouveau Caire. Pour lui, la source
d’inspiration ne se trouve dès lors que très loin. Mais l’âme sereine de Alaa
Al-Dib exhalait son ombre sur son entourage. Cette âme lui a permis pendant de
longues années de voir la vie comme un passage ombrageux.
Yasser Abdel-Latif, poète et romancier «
Salut Am Alaa ! »
Ce dialogue a eu lieu entre mon père et
mon oncle Abdel-Aziz, à peu près vers 1988.
Mon père : Ce gars est fichu mon vieux
(parlant de moi), la drogue lui a fait perdre la raison.
Mon oncle : Mais M. Alaa Al-Dib affirme
qu’il est prometteur, et qu’il a beaucoup de talent pour l’écriture.
Mon père : Ne t’en fais pas, moi je
m’occupe des frais de l’université, et Alaa Al-Dib assumera les frais de la
drogue
!
Que Dieu bénisse tout le monde, Salut Am Alaa
l
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نشرت في الأهرام إبدو بتاريخ 24 فبراير 2016
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